La douleur chronique est complexe et souvent difficile à comprendre pour celles et ceux qui en souffrent, car elle ne fonctionne pas comme la douleur aigue, qui disparait une fois que le corps est guéri. Expliquer les mécanismes de la douleur chronique peut vous permettre de comprendre pourquoi la douleur persiste même après la guérison initiale 🤔😱.
LA DOULEUR CHRONIQUE : QUAND LA DOULEUR PERSISTE SANS CAUSE APPARENTE
👉 La douleur chronique est définie par sa durée : elle persiste au-delà de 3 mois, bien après la période de guérison de la blessure ou de l’inflammation initiale. Elle peut apparaitre dans différentes conditions, comme après une intervention chirurgicale, suite à un traumatisme ou une blessure, ou encore s’installer insidieusement (lombalgie chronique, fibromyalgie, algodystrophie, tendinite chronique…). Contrairement à la douleur aigue, le douleur chronique n’est plus un signal d’alarme : elle devient elle-même un problème, un « dérèglement » du système de gestion de la douleur.
LES MÉCANISMES QUI ENTRETIENNENT LA DOULEUR CHRONIQUE
👉 Plusieurs processus se combinent pour maintenir la douleur chronique, même en l’absence de blessure ou d’inflammation active.
Que se passe t-il ?
1) 📛 Sensibilisation centrale : le système nerveux devient hypersensible
La sensibilisation centrale est l’un des phénomènes les plus importants dans la douleur chronique. Il s’agit d’une modification du système nerveux central (moelle épinière et cerveau) qui se met à amplifier les signaux de la douleur et peut même créer de la douleur sans stimulus douloureux. En gros, le cerveau et la moelle épinière deviennent hypersensibles à toute information provenant des nerfs périphériques.
*Hyperalgésie : ce phénomène rend la personne plus sensible aux douleurs qu’elle aurait auparavant ressenties comme modérées. La douleur devient amplifiée.
*Allodynie : dans certains cas, des stimuli normalement indolores, comme un simple contact, sont perçus comme douloureux. Par exemple, la pression d’un vêtement ou un toucher léger peuvent déclencher une douleur intense chez certaines personnes.
La sensibilisation centrale résulte souvent de changements dans les synapses de la moelle épinière, qui deviennent plus réactives. En gros, le volume de la douleur est « augmenté » en permanence, même sans raison apparente.
2) 📛 La mémoire de la douleur : le cerveau se « souvient »
Le cerveau a une capacité à mémoriser les expériences douloureuses, ce qui fait que les réseaux neuronaux associés à la douleur se renforcent et deviennent plus facilement activés. C’est un peu comme un chemin qu’on emprunte souvent et qui devient un sentier battu : le cerveau « facilite » la réponse douloureuse.
* Renforcement des circuits neuronaux : chaque fois qu’une douleur est ressentie, les circuits neuronaux impliqués sont activés et renforcés. A force de répétition, ces circuits deviennent si puissants que le cerveau peut déclencher la douleur de manière automatique, même sans nouvelle blessure.
* Influence des émotions et du stress : les émotions négatives et le stress, souvent associés à la douleur, renforcent aussi ces circuits. Des zones cérébrales comme l’amygdale et le cortex préfrontal (associé aux émotions) participent activement à la mémorisation de la douleur. Ainsi, l’anxiété, la peur ou la frustration liées à la douleur peuvent aggraver la perception douloureuse et rendre la douleur encore plus intense.
3) 📛 Dysfonctionnement des mécanismes d’inhibition de la douleur
Normalement, notre corps possède des systèmes de « freinage » naturels pour limiter la douleur, comme la libération d’endorphines et d’autres neurotransmetteurs antidouleurs. Dans la douleur chronique, ce mécanisme d’inhibition peut être affaibli.
* Production diminuée d’endorphines (hormone du plaisir ou antidouleur naturel) : les patients souffrant de douleur chronique ont souvent une diminution de la production d’endorphines due à un manque de plaisir – ce qui s’explique par le focus sur la douleur, qui vous pousse à éviter ou à oublier les activités plaisantes, privant votre cerveau des stimuli nécessaires à la production d’endorphines, ce qui vous rend moins capables de bloquer la douleur.
*Altération des neurotransmetteurs : des anomalies dans des neurotransmetteurs comme la sérotonine et la noradrénaline (importants dans la régulation de l’humeur et de la douleur) sont altérés à cause d’une production réduite, d’une diminution de la sensibilité de leurs récepteurs, et de l’impact du stress ou de l’inflammation, ce qui réduit la capacité du cerveau à « filtrer » les signaux douloureux. Cela rend le corps plus vulnérable à la douleur, qui devient omniprésente.
4) 📛 Neuro-inflammation : inflammation persistante dans le système nerveux
Dans certains cas de douleur chronique, une inflammation à bas bruit peut persister dans le système nerveux, même si le tissu initialement blessé est guéri. Cette neuro-inflammation contribue à entretenir la douleur en activant continuellement les voies de la douleur.
* Microglie activée : les cellules de la microglie, les cellules immunitaires du système nerveux central, peuvent rester activées dans les douleurs chroniques, libérant des substances inflammatoires. Cela contribue à un cercle viscieux d’inflammation qui stimule les neurones de la douleur et maintient le signal douloureux.
💡 En résumé, la douleur chronique peut être vue comme un « bug » où le système de la douleur fonctionne de manière anormale. Le corps et le cerveau, au lieu de se protéger contre une menace réelle, continuent d’envoyer et de percevoir des signaux douloureux alors que la menace initiale a disparu.
- La sensibilisation centrale rend le système nerveux hyper réactif
- Le cerveau développe une « mémoire » de la douleur, rendant les circuits de la douleur plus faciles à activer
- Les systèmes naturels de contrôle de la douleur sont affaiblis
- Une inflammation persistante du système nerveux peut également entretenir la douleur
COMPRENDRE QUE VOTRE DOULEUR EST BIEN RÉELLE MAIS QU’ELLE PROVIENT D’UN DÉRÈGLEMENT DU SYSTÈME INTERNE DE GESTION DE LA DOULEUR PEUT ÊTRE UNE RÉVÉLATION
La douleur n’est pas « dans votre tête » : bien qu’elle soit liée au cerveau, la douleur chronique est bien réelle, et ses causes sont physiologiques.
Le système nerveux peut se « désensibiliser » : avec des méthodes appropriées (comme la gestion du stress, des exercices de pleine conscience, la thérapie cognitivo-comportementale et parfois des traitements médicaux), il est possible d’atténuer la sensibilité à la douleur et de renforcer les circuits d’inhibition.
Mais alors, concrètement, on fait quoi ?
✅ Travailler sur la mémoire de la douleur et les émotions
* La pleine conscience et la méditation ont montré des effets significatifs sur la douleur chronique. Ses pratiques aident à diminuer la tension, à gérer les émotions et à réduire les pensées intrusives autour de la douleur.
Comment ? Des exercices de méditation simples, comme se concentrer sur sa respiration ou observer les sensations de son corps sans jugement, permettent de se détacher de la douleur en la « regardant » plutôt qu’en la subissant. Une pratique régulière de 10 à 20 minutes par jour est idéale pour obtenir des résultats.
* La gestion du stress et des émotions est cruciale pour réduire la douleur chronique car stress et émotions renforcent les circuits de la douleur.
Comment ? Les techniques de respiration profonde (comme la cohérence cardiaque), de relaxation musculaire progressive et les exercices de visualisation peuvent réduire la réponse de stress et donc atténuer la perception de la douleur. En intégrant ces pratiques plusieurs fois par jour, vous pouvez diminuer la réactivité de votre système nerveux.
✅Reprogrammer les mécanismes d’inhibition de la douleur
* Activité physique adaptée : le mouvement même doux, permet de sécréter des endorphines (les antidouleurs naturels) et aide à rééquilibrer le système nerveux. N’oubliez pas que le mouvement c’est la vie !
Comment ? Les exercices comme la marche, le yoga doux, la natation ou les étirements sont idéals. Commencer par 5 à 10 minutes de mouvements quotidiens adaptés à votre niveau peut progressivement augmenter votre tolérance et diminuer votre douleur.
* Techniques de stimulation physique : des techniques comme les stimulations électriques transcutanées et la stimulation par le froid ou la chaleur peuvent aider à réduire la douleur. Ces méthodes agissent en stimulant d’autres récepteurs sensoriels et en distrayant le cerveau des signaux douloureux.
Comment ? L’électrostimulation peut être utilisée quelques minutes par jour pour réduire l’intensité de la douleur. L’application de chaleur (bouillotte) ou de froid (compresse) peut aussi soulager temporairement certaines douleurs chroniques, en bloquant la transmission des signaux douloureux.
✅Diminuer l’inflammation et prendre soin de son système nerveux
* Alimentation anti-inflammatoire : certains aliments et nutriments aident à réduire l’inflammation dans le corps et peuvent apaiser la douleur chronique, notamment en cas de douleurs articulaires ou musculaires. Une alimentation riche en oméga-3 (poisson gras, noix, graines de lin), en fruits et légumes, et en antioxydants (thé vert, curcuma, gingembre) peut aider. Réduire la consommation de sucres, de graisses saturées et d’aliments ultra transformés permet aussi de limiter votre inflammation.
* Dormir pour restaurer le système nerveux : un bon sommeil est fondamental pour la récupération et la gestion de la douleur. La douleur chronique perturbe souvent le sommeil, et un sommeil de mauvaise qualité peut amplifier la douleur, créant un cercle viscieux. Favoriser un rituel de coucher relaxant, éviter les écrans avant de dormir et adopter une heure de coucher régulière peuvent vous aider. Des techniques comme la relaxation ou la respiration lente peuvent être utiles pour faciliter l’endormissement et améliorer la qualité de votre sommeil.
✅Techniques de gestion de la douleur par auto soin
* Journaling de la douleur : tenir un journal de la douleur peut vous aider à identifier les déclencheurs, à suivre les variations de votre douleur et à mieux comprendre ses cycles. Cela donne aussi un sentiment de contrôle et aide à visualiser les progrès.
Comment ? Notez chaque jour l’intensité de la douleur (sur une échelle de 1 à 10), les évènements de la journée, votre état émotionnel et les pratiques de gestion utilisées. Cela vous permet de repérer les facteurs qui atténuent ou augmentent votre douleur, comme certaines activités, aliments ou techniques de relaxation.
* Automassage et techniques de relaxation physique : les automassages doux ou l’utilisation d’une balle de massage peuvent vous aider à détendre vos muscles, améliorer votre circulation sanguine et réduire vos tensions corporelles qui se surajoutent.
✅Agir sur la sensibilisation centrale
* La thérapie cognitivo-comportementale est l’une des thérapies les plus efficaces pour traiter la douleur chronique. Elle aide à identifier et à transformer les pensées négatives (comme « je ne vais jamais guérir » ou « cette douleur va empirer ») en pensées plus positives et réalistes. En changeant votre perception, vous diminuez la charge émotionnelle liée à la douleur, ce qui réduit l’activation des circuits de la douleur.
👉En combinant plusieurs de ces techniques vous pouvez apprendre à réduire la sensibilisation de votre système nerveux, à limiter l’inflammation, à renforcer les mécanismes naturels d’inhibition de la douleur, et à diminuer l’impact émotionnel de la douleur. C’est un chemin de patience et de régularité mais ces pratiques permettent de retrouver une qualité de vie meilleure en rétablissant progressivement l’équilibre du système de gestion de la douleur.
POURQUOI ÇA DÉGÉNÈRE CHEZ MOI ?
La transition de la douleur aigue à la douleur chronique est un phénomène complexe et influencé par de nombreux facteurs, souvent entrelacés : un système nerveux naturellement plus réactif ou « hypersensible », le stress et l’anxiété, les expériences de vie, les antécédents et le manque de soutien social jouent un rôle crucial. Chez certains, ce « bug » se manifeste par une interaction de prédispositions internes et de conditions de vie, créant une situation où le système nerveux ne parvient plus à désactiver le signal de douleur.
ET L’OSTÉOPATHIE DANS TOUT ÇA…
🎯 L’ostéopathie, en raison de son approche holistique, peut jouer un rôle précieux dans la prise en charge de la douleur chronique, en particulier en aidant à rééquilibrer le corps et à calmer le système nerveux.
- utilisation de techniques douces et adaptées pour calmer le système nerveux central
- travail sur les zones en restriction de mobilité pour limiter l’inconfort et les tensions musculaires – voire les adaptions qui se surajoutent – pour rompre le cercle viscieux de la douleur
- techniques circulatoires pour atténuer les processus inflammatoires liés à la douleur
- effet bénéfique sur le bien-être mental et émotionnel par une prise en charge global et un vrai temps d’écoute
- approche éducative pour vous autonomiser : en vous expliquant comment fonctionne votre corps et en vous enseignant des stratégies pour éviter l’aggravation de la douleur.
💡 L’ostéopathie ne vise pas seulement à réduire la douleur, mais aussi à améliorer votre état général et votre bien-être en prenant en compte tous les aspects de votre santé. C’est une discipline complémentaire précieuse pour vous aider à sortir de la chronicité en redonnant à votre corps les outils pour « reprogrammer » ses perceptions.
👉 Prenez soin de vous, bougez à votre rythme et osez sortir de ce cercle de douleur chronique : chaque petit pas compte pour retrouver du bien-être et reprendre le contrôle de votre corps ! C’est à vous de jouer… 😉
J'accompagne aussi...

Martine Salvador
Article lu de bout en bout. Très intéressant et enrichissant mes connaissances sur les douleurs chroniques et comment améliorer mon confort. Merci
osteomaelleb
Merci à toi de m’avoir lu !